Depuis leur explosion grand public au tournant des années 2010, les smartphones sont devenus l’extension numérique indispensable de nos vies. De la communication au divertissement, de la photographie aux paiements en ligne, ces appareils ont littéralement tout centralisé. Pourtant, depuis quelques années, une question revient avec insistance parmi les experts de la tech : sommes-nous en train d’entrer dans l’après-smartphone ?
Dans cet article, j’analyserai pourquoi le smartphone reste aujourd’hui incontournable, mais aussi pourquoi plusieurs signaux faibles laissent présager une transition vers de nouveaux modes d’interaction avec le numérique. Est-ce vraiment la fin des smartphones, ou simplement leur évolution ? Explorons ensemble les forces en présence.
I. Le règne (toujours) incontesté du smartphone
1. Un outil devenu universel
Avec plus de 6,9 milliards d’utilisateurs dans le monde en 2024, le smartphone est sans conteste l’appareil technologique le plus répandu sur la planète. Il remplit une multitude de fonctions dans un encombrement minimal. Téléphone, appareil photo, GPS, réveil, portefeuille numérique, lecteur de musique, plateforme de visioconférence, carnet d’adresses, et bien plus encore.
Sa démocratisation s’est faite grâce à :
- La baisse des prix des modèles d’entrée de gamme.
- Une connectivité mobile globale (4G puis 5G).
- Une interface simple et unifiée, accessible à tous.
2. Une économie construite autour de lui
Le smartphone est aussi le pilier de toute une économie numérique :
- Écosystème d’applications : des millions d’apps disponibles sur l’App Store et Google Play.
- Marketing mobile-first : réseaux sociaux, pubs géolocalisées, applications e-commerce.
- Accessoires : coques, écouteurs sans fil, montres connectées… L’écosystème autour du smartphone est colossal.
II. Les premiers signes d’essoufflement
1. Un marché qui stagne
Depuis 2017, les ventes de smartphones dans le monde montrent des signes de plateau. Pourquoi ?
- Les appareils sont de plus en plus durables : un bon téléphone peut être gardé 4 à 6 ans.
- Les innovations sont incrémentales, pas révolutionnaires : meilleure caméra, plus de puissance, mais rien de réellement disruptif.
- La saturation du marché : quasiment tout le monde en possède un.
2. Une lassitude des utilisateurs
De plus en plus de personnes ressentent un besoin de se déconnecter. Les effets du smartphone sur la santé mentale, l’attention et les relations sociales sont bien documentés.
Des mouvements comme la « digital detox », ou des produits comme le Light Phone (un téléphone sans applications distrayantes) gagnent en popularité. Même les GAFAM intègrent désormais des fonctions de « bien-être numérique » (temps d’écran, modes Zen, concentration…).
III. Les technologies qui pourraient remplacer le smartphone
1. Les wearables : une première étape
Les montres connectées, écouteurs intelligents et bracelets de fitness gagnent en autonomie. Aujourd’hui, une Apple Watch Cellular peut passer des appels, envoyer des messages, suivre l’activité physique, et effectuer des paiements — sans avoir besoin du smartphone.
Avec les progrès dans l’autonomie des batteries, la miniaturisation des composants et l’amélioration de l’intelligence artificielle embarquée, ces appareils deviennent des terminaux à part entière.
2. Les lunettes connectées et la réalité augmentée
Apple, Meta, Google et d’autres investissent massivement dans les lunettes AR (Réalité Augmentée). Le concept ? Superposer des éléments numériques à notre vision du monde réel. Le Apple Vision Pro, bien que coûteux et encore volumineux, marque une étape importante vers cette vision.
Imaginez des lunettes qui affichent vos messages, la navigation GPS, vos rendez-vous ou les fiches produits pendant que vous faites vos courses. Pas besoin de sortir votre téléphone : tout est intégré à votre champ visuel.
3. L’intelligence artificielle ambiante
Avec les progrès de l’IA générative (ChatGPT, Gemini, Claude, etc.), une nouvelle tendance se dessine : l’assistant personnel proactif.
Plutôt que de taper, chercher, cliquer, vous pourriez bientôt parler à une IA qui vous comprend vraiment, résume vos mails, réserve un vol ou rédige un contrat, sans passer par une interface traditionnelle. Cela pourrait se faire via une oreillette intelligente, une montre ou même un dispositif invisible intégré à vos lunettes ou vos vêtements.
4. Les interfaces post-tactiles
Un autre axe de rupture concerne la manière dont on interagit avec les machines. Le smartphone repose sur le toucher, mais demain, on pourrait utiliser :
- La voix (déjà en place avec Siri, Alexa, Google Assistant).
- Le regard (eye-tracking dans certains casques AR).
- Les gestes (Leap Motion, Google Soli…).
- Et à plus long terme, l’interface cerveau-machine (Neuralink, NextMind…), qui permettrait de piloter un appareil par la pensée.
IV. Pourquoi ce n’est pas pour demain
1. Des défis techniques et économiques
Si les alternatives sont prometteuses, elles ne sont pas encore prêtes à remplacer complètement le smartphone :
- Lunettes AR : trop chères, trop encombrantes, autonomie limitée.
- IA ambiante : encore perfectible, notamment sur la confidentialité et la fiabilité.
- Réseaux : le smartphone reste le point d’accès mobile le plus universel (WiFi, 5G, Bluetooth…).
2. La dépendance au smartphone comme hub
Même les nouveaux appareils (montres, lunettes, écouteurs) dépendent encore d’un smartphone pour la configuration, la synchronisation, les mises à jour ou le stockage. Le smartphone reste le centre de gravité numérique.
3. Un usage culturellement ancré
Les habitudes d’usage sont profondément ancrées : regarder un écran, swiper, taper, liker… Ces gestes sont devenus automatiques. Changer cela demande une nouvelle éducation numérique, une acceptation sociale, et une vraie valeur ajoutée pour convaincre.
V. Un scénario probable : l’effacement progressif
Plutôt qu’une fin brutale, il est plus réaliste d’imaginer un effacement progressif du smartphone, remplacé par une constellation d’appareils connectés intelligents :
- Une montre qui gère la santé et les communications.
- Des lunettes qui affichent les informations utiles en surimpression.
- Une IA contextuelle accessible partout, qui comprend vos intentions.
- Un terminal vocal ou visuel de secours dans la poche, au cas où.
Dans cette configuration, le smartphone pourrait devenir une technologie de transition, un peu comme l’ont été les baladeurs, les GPS autonomes ou les appareils photo compacts.
Conclusion : une transition inévitable, mais graduelle
Le smartphone ne disparaîtra pas demain, ni même dans cinq ans. Il est trop central, trop pratique et trop intégré à nos modes de vie. Cependant, il n’incarne plus la frontière de l’innovation. D’autres formes de computing — plus portables, plus immersives, plus discrètes — commencent à émerger.
La vraie révolution ne viendra pas d’un appareil unique qui remplace le smartphone, mais d’une mutation complète de notre rapport au numérique : plus ambiant, plus fluide, plus intégré à notre environnement.
Alors, est-ce la fin des smartphones ? Non. Mais c’est le début de la fin de leur hégémonie.